Idées révolutionnaires: Une histoire intellectuelle de la Révolution française by Israel Jonathan

Idées révolutionnaires: Une histoire intellectuelle de la Révolution française by Israel Jonathan

Auteur:Israel, Jonathan [Israel, Jonathan]
La langue: fra
Format: epub
Tags: det_, histoire, Révolution française
Éditeur: Buchet/Chastel
Publié: 2019-10-02T22:00:00+00:00


Chapitre 16

L’été 1793 :

La Révolution pervertie

LES VAINQUEURS NE PURENT imposer tout de go la dictature. C’est donc d’abord la confusion qui régna. Le 2 juin, la majorité à la Convention soutenait encore la gauche démocrate et non la Montagne 1. La plupart des Français et même des Parisiens ne voulaient pas de Robespierre. Plusieurs témoins de l’époque étaient d’accord avec Gensonné qui écrivait dans une déclaration datée du 2 juin et rédigée à la hâte avant son arrestation qu’après avoir séduit une minorité, la Montagne s’était emparée des comités révolutionnaires et des sections de la capitale par intimidation et par manipulation 2.

Les députés démis et arrêtés furent désignés par les montagnards comme les « soi-disant amis des lois ». Ils furent à vrai dire traités avec respect et soumis à une surveillance assez relâchée. Plusieurs s’échappèrent et s’enfuirent, dont Brissot, Pétion, Barbaroux, Louvet, Gorsas, Buzot, Lanjuinais et Guadet. Manuel, qui n’avait pas été inculpé le 2 juin, mais qui fut appréhendé quelques jours plus tard, trompa l’attention de ses geôliers, mais fut rattrapé à Fontainebleau et reconduit à Paris, tandis que la femme et les enfants de Pétion furent interceptés à Honfleur 3.

Les conventionnels continuèrent de mener une opposition passive au coup de force – voire quelques offensives. Les neuf députés de la Somme, incluant le fugitif Louvet, signèrent un manifeste daté du 5 juin qui parut dans le Mercure universel. Ils considéraient le 2 juin comme « un jour de deuil pour tous les amis de la liberté et de la République ». La Convention, assiégée par une foule immense – mais trompée –, avait délibéré sous la menace des baïonnettes et de canons. Des factieux l’avaient délibérément humiliée et intimidée. Les seuls députés véritablement coupables étaient ceux qui avaient orchestré le complot. Louvet et ses amis rappelaient que pendant sept heures l’Assemblée avait dû résister à la proscription des 22 et des membres de la Commission des Douze. Aucun législateur ne pouvait quitter l’enceinte sans être suivi par l’un des conspirateurs armé, même pour satisfaire un besoin naturel. L’attentat n’était pas le fait de citoyens ou des sections de Paris, mais de « certains » 4. Plusieurs des signataires, dont Louvet lui-même, survécurent à la Terreur et reprirent, fin 1794, le combat pour une République démocratique.

Les autorités municipales de Marseille, Lyon, Bordeaux, Toulouse, Nantes, Toulon, Bayonne et Montpellier condamnèrent toutes le coup d’État, tout comme une grande partie de la France provinciale. Plusieurs petites villes le dénoncèrent formellement. Les citoyens de Pont-Audemer se rassemblèrent devant la plus grande église de la ville. Ils y rédigèrent une pétition datée du 4 juin pour protester et exprimer leur indignation après l’arrestation des 22, dont le seul crime était d’avoir voté l’appel au peuple, rendant ainsi hommage « au principe de la souveraineté 5 ». Dans la commune d’Estrées, le district de Saint-Quentin adopta d’abord une position analogue : il fallait être aveugle, affirmèrent-ils, pour ne pas voir la perfidie de ceux qui avaient usurpé le pouvoir en dissolvant la Commission des Douze et en arrêtant les 22 sans la moindre preuve.



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